Pathetiske (le pathétique)

Pathetiske (le pathétique)
* Premièrement Kierkegaard, tout en s'efforçant de faire reconnaître la dimension pathétique présente non seulement dans la vie humaine mais encore dans le fonctionnement de la pensée [Voir infra Penseur abstrait], distingue plusieurs formes de pathétique n'ayant pas même valeur ni même fonction « Le pathos esthétique s'exprime dans la parole et peut en sa vérité signifier que l'individu (Individ) s'absente de soi-même pour se perdre dans l'idée, tandis que le pathos existentiel surgit grâce au fait que l'idée se rapporte à l'existence de l'individu en la régénérant » (PS, SV3 X, p. 82/OC XI, p. 83). L'esthétiquement pathétique n'est pas l'existentiellement pathétique tout pathos n'est pas existentiel, loin de là. Cette précision permet d'éviter de confondre le religieux avec l'esthétique. Deuxièmement, Kierkegaard insiste sur le fait que le pathétique ne prend sa juste portée que strictement corrélé au dialectique [Voir supra Dialectique]. Pris tout seul, le pathos est incomplet et peut même devenir nuisible.
** On commencera à comprendre à quoi servent chez Kierkegaard ces distinctions primordiales en examinant la façon dont il parle de F. H. Jacobi (1743-1819). Il y a, au début des Stades sur le chemin de la vie, une appréciation favorable concernant Jacobi. Celui-ci « parle de la terreur de se penser soi-même immortel » (Sta, SV3 VII, p. 16/OC IX, p. 10). C'est une allusion à un récit de Jacobi témoignant d'une expérience métaphysique terrifiante (dit-il) qu'il fit dans sa jeunesse. Pour s'en délivrer il inventa, à l'âge adulte, un remède « J'avais besoin d'une vérité qui ne fût pas ma créature, mais dont moi, je fusse la créature. Elle devait remplir mon vide, apporter de la lumière dans la nuit environnante, briller comme le jour devant et en moi ainsi que j'en trouvais la promesse en mon être intime » (Lettre de Jacobi à F. Köppen, 1803). Dans la perspective de Jacobi, l'infini cesse de susciter l'effroi quand on se le représente comme un être infini, une cause agissante douée de volonté. Du point de vue de Johannes Climacus dans le Post-Scriptum (où Jacobi est évoqué plu: longuement que dans les Stades), la conviction passionnée de Jacob est bien trop immédiate pour être chrétienne Jacobi confond gravement foi et croyance ; il s'imagine que sa croyance est foi. Sa conception de la religion est intéressante dans la mesure où elle s'oppose nettement à la spéculation (Jacobi voit en Spinoza le philosophe le plus radical qui soit et, à partir de cette assertion, il propose un choix qui, d'après lui, n'admet nul 3e terme ou bien la pensée de Spinoza ou bien celle de Jacobi lui-même !). Mais, justement, la conviction religieuse de Jacobi reste « intéressante », il y a en elle un facteur esthétique qui fausse l'accès au christianisme (à la christianité) parce qu'elle fait la part trop belle au subjectivisme et à l'imaginaire. Jacobi postule que sa doctrine « est le "vrai rationalisme" De fait, personne avant lui ne l'avait entendu ainsi. On eût plutôt reconnu là le contraire du rationalisme. C'est dans sa conception de la raison que Jacobi se montre le plus franchement mystique » (L. Lévy-Bruhl, La philosophie de Jacobi, Paris, 1894, p. 247). Kierkegaard refuse sans compromis possible la « perception immédiate de l'absolu par ce sens sui generis que Jacobi appelle tantôt sentiment, tantôt raison, tantôt instinct » (Lévy-Bruhl, ibid., p. 246).
*** Jacobi est également l'inventeur d'un mouvement pathétique, un salto mortale qu'il présente comme une acrobatie, une culbute, un acte plutôt qu'un discours (cf. Jacobi, Lettres à Moses Mendelssohn sur la doctrine de Spinoza, trad. J.-J. Anstett, Paris, 1946, p. 75-299). Dans une célèbre lettre à J. Neeb (30 mai 1817), Jacobi décrit ainsi son saut : « Il n'est pas question, pour moi [Jacobi], de se précipiter la tête la première, du haut d'un rocher, dans un abîme ; — mais bien de se lancer, en partant de la surface du sol, de faire un tour complet sur soi-même (c'est un saut périlleux), par dessus les rochers et l'abîme, et de se retrouver sain et sauf sur ses pieds, debout, de l'autre côté » (cf. Lévy-Bruhl, op. cit., p. 245). Pourquoi, lorsqu'il s'agit de rompre avec l'immanence et d'affirmer le saut dans la foi comme saut qualitatif [Voir infra Saut], Kierkegaard en appelle-t-il au se laisse pas penser » (PS, SV3 IX, p. 86/OC X, p. 95) puisqu'il s'agit de prendre une décision en vertu de l'absurde. Climacus ju assez sévèrement le comportement de Jacobi vis-à-vis de Lessing parce qu'il a analysé dans les Miettes philosophiques, d'une part quels rapports un chrétien peut entretenir avec la vérité et, d'autre part, quelles relations un être humain peut avoir avec un autre et humain quant à la communication de cette vérité. Jacobi articule m plusieurs données fondamentales. Son salto mortale représente l'« acte de subjectivation par rapport à l'objectivité de Spinoza, ????| n'est] pas le passage de l'éternel à l'historique » (P-S, SV3 IX, p. 86/OC X, p. 95). De même que Jacobi oppose deux forme d'éternité, l'une personnelle, l'autre spinoziste, sans poser la question plus pertinente selon Climacus, du passage de l'éternel l'historique — question qui est à la fois celle de Lessing et celle de Miettes —, de même les interlocuteurs (Jacobi et Lessing) d dialogue que Jacobi restitue par écrit, pensent en des lieux théorique différents et leurs positions ne sont nullement symétriques [Précisions concernant tout ceci dans H. Politis, Doctorat d'État, 1993, chap. 11].

Le vocabulaire de Kierkegaard, Ellipses. . 2002.

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